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Mmmmwwwwweeeeuuuuuaaaaaa

Micro-nouvelle écrite pour répondre à un défi voulant que l'on écrive un court texte à partir d'une photographie. 

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— Je te dis que c’est vrrrrai ! dit le plus grand des légionnaires, un homme d’une trentaine d’année originaire d’un pays slave et qui n’avait jamais réussi à se débarrasser d’un accent roulant les R.
— Comment ça c’est vrai ? Tu te foutre de mon gueule ? lui répondit un camarade d’origine allemande au fort accent.
— Non, je te le jurrrrre ! se défendit le slave.
— Je n’aimeu pas que l’on se foutre de moi ! protesta l’allemand.
— Arrêtez de vous défriser le kepi, vous me saoulez ! protesta le troisième légionnaire, un Parisien élevé à l’huile de foie de morue dans le quartier des halles et qui arborait fièrement un bouc hirsute sur le menton.
— Tu as l’habitudeu de te saouler, nine ? répondit sèchement l’allemand.
— Quoi ? répondit le parisien, haussant la voix subitement.
— Oui, le boche à rrraison, toi si jamais tu trrrébuche tu trrransformerrra le déserrrt en océan !
— On manque d’eau, ça tombe bien ! bougonna le parisien.
— Si tu trébucheu, ce ne sera pas de l’eau qui sortira !
— Vous n’allez pas fermer votre clapet ! hurla un quatrième légionnaire qui attendait désespérément à l’écart de pouvoir prendre ses camarades en photo. C’est vrai quoi ! continua-t-il, quand je regarde dans le viseur de mon appareil, la seule étincelle d’intelligence que je vois, c’est dans l’œil du dromadaire !

Les trois légionnaires se tournèrent vers l’animal. Celui-ci posa sur eux, à tour de rôle, un regard où l’on pouvait déceler une lueur mêlant malice et un peu d’inquiétude.

— mmmmwwwwweeeeuuuuuaaaaaa ! commenta la bestiole ; ce qui eut pour effet d’imposer le silence pendant quelques secondes, laissant seul le vent du désert siffler un petit air moqueur.
En observant la scène le photographe ne put s’interdire de penser que le plus intelligent de ses camarades ne portait pas d’uniforme… Soupir…

Le clic-clac du déclencheur ramena chacun à la réalité, loin des pensées abstraites qui étaient les leurs depuis que l’animal suspect s’était exprimé.

— Tu vois, je te l’avais bien dit ! s’exclama le slave envers l’allemand.
— Quoi ?
— Le drrrrromadairrrre… il nous espionne !

Les trois camarades regardèrent une fois encore l’animal. Le photographe, vint se joindre à eux. Ensemble, ils détaillèrent l’animal avec insistance sans pour autant que celui-ci ne semble le moins du monde gêné par cet inhabituel manège.

— Qu’est-ceu qui te fait direu ça ?
— Il nous suit parrrrrtout !
— C’est vrai ça ! remarqua le parisien qui eut alors du mal à contenir un léger frissonnement de la barbichette.
— Bandes d’imbéciles ! Bien sûr qu’il nous suit ! C’est nous qui l’emmenons avec nous ! hurla le photographe.
— Et alorrrs ? Ce n’est pas pourrr ça que ce n’est pas un espion ! Et puis je n’aime pas sa tête !
— Qu’est-ce qu’elle a sa tête ? demanda le photographe.
— J’ai l’imprrression de l’avoirrr déjà vu quelque part.
— Il ressembleu à la photo de ta copineu…

Le slave se figea et observa l’animal qui leva sa tête débonnaire vers lui. Le légionnaire plongea alors la main dans la poche intérieure de sa veste et, d’un geste volontaire, extirpa de son portefeuille miteux une photographie de sa petite-amie.

— Putain ! s’exclama le slave, tu as rrrraison. C’est son porrrtrrrait crrraché !
— Eh bien voilà ! dit le photographe, tout s’explique. Si tu le trouvais louche, c’est qu’il ressemble à ta gonzesse.

Le slave laissa un sourire se dessiner sur son visage buriné.

— Ah oui… C’est ça. Au moins maintenant, je sais pourrrquoi sa tête m’était familièrrre.

Il soupira avant de conclure :
— Je suis rassuré !
—  mmmmwwwwweeeeuuuuuaaaaaa ! commenta le dromadaire.

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